En juin dernier, nous affirmions une conviction : le clivage gauche-droite constitue toujours une grille de lecture du monde et de ses enjeux. Et nous exposions une position claire vis- à-vis d’Emmanuel Macron et de sa majorité : nous jugerions sur pièce, sans a priori mais sans concession, les décisions prises.
Les mois écoulés permettent de porter une première appréciation sur l’action du Président de la République et de son gouvernement.
Si sa réaction à la décision américaine de se retirer de l’Accord de Paris sur le climat ou les propositions avancées pour relancer l’Europe vont dans le bon sens, poursuivant en cela les orientations du gouvernement précédent ; sur le plan intérieur Nicolas Hulot, dont les intentions sur les enjeux de la transition énergétique doivent être saluées, semble bien isolé.
Force est de constater en effet que les actes du gouvernement en matière économique et sociale procèdent d’une politique libérale, très marquée à droite. Jugeons plutôt.
Les plus modestes sont mis à contribution, avec par exemple la baisse des aides au logement, alors que la réforme annoncée de l’ISF allègera de 3 Mds€ l’impôt des plus fortunés ; la réforme du droit du travail ne fait pas le pari du dialogue social dans les entreprises, assouplit les règles qui s’imposent aux employeurs sans accorder de droits nouveaux aux salariés.
Les services aux publics sont fragilisés. Les annulations de crédits et les baisses de dotations annoncées aux collectivités territoriales affaiblissent les services publics et obèrent la capacité des territoires à être des espaces de solutions, d’invention et de solidarité, particulièrement dans les quartiers populaires et le monde rural au risque d’accentuer les fractures territoriales ; la décision de baisser de façon unilatérale et massive (1,5 mds€) les loyers des seuls bailleurs sociaux entrainera mécaniquement la réduction des capacités deproduction de logements neufs ou de réhabilitation des parcs anciens ; la suppression brutale de dizaines de milliers d’emplois aidés prive de perspectives d’avenir leurs bénéficiaires et compromet le fonctionnement de nombreuses associations qui œuvrent pour la cohésion nationale ; la suppression incompréhensible de 300M€ de crédits sur le budget de l’enseignement supérieur aggrave la pression sur les universités qui accueillent chaque année davantage d’étudiants.
Nous sommes donc renforcés dans notre conviction : la France a besoin de gauche pour proposer une autre vision que celle qui est actuellement à l’œuvre. Elle a besoin d’une gauche ouverte et responsable qui ne cède ni à la facilité de l’opposition systématique, ni à celle de la démagogie des promesses intenables. Elle a besoin de gauche pour penser le monde de demain, pour le rendre plus vivable, plus juste, plus humain que celui d’aujourd’hui. Elle a besoin d’une gauche lucide, notamment, sur les grandes mutations auxquelles nous faisons face et les transitions, démocratique, économique, écologique ou numérique qui les accompagnent et inscrivant résolument son action dans le cadre d’une Europe réorientée, équilibrée mais confortée.
Nous savons que cette gauche, aujourd’hui affaiblie, est à refonder, à réinventer. Elle ne peut pas, elle ne doit pas, se contenter, comme en d’autres périodes, d’attendre dans l’opposition le « retour du balancier » et elle doit lucidement tirer les conséquences de son échec.
Il n’y a pas d’avenir pour elle à refaire le match du quinquennat précédent, à se contenter de ressasser le passé, de chercher des responsables voire des boucs émissaires, sans rien changer sur le fond et sur ses méthodes.
Nous voulons contribuer collectivement à ce travail en soulevant des questions qui, selon nous, doivent être abordées pour construire un autre avenir. Quel nouveau modèle de production de richesses, dans un monde ouvert et bouleversé par le changement climatique ? Quels outils pour une répartition plus juste de ces richesses ? Comment repenser notre modèle de protection sociale collective et universelle ? Comment réinsuffler du sens démocratique au projet européen ? Quel nouveau modèle de décentralisation pour bâtir une République des territoires, à la fois solidaires et innovants ? Comment renforcer le lien démocratique et la solidité de la République ?
Le Parti socialiste, notre parti, propose à ses militants une feuille de route qui dessine un agenda politique de la refondation. Celle-ci prévoit d’abord, d’ici la fin de l’année, des ateliers citoyens pour en jeter les bases puis un congrès au premier trimestre 2018 pour choisir une orientation et une direction.
Cette étape est importante, le 28 septembre nous devons réinventer notre parti et participer massivement.
Notre avenir passe nécessairement par une refonte complète de nos modes d’actions, de nos règles de vie commune. Nous en appelons à un parti ouvert à tous ses électeurs actuels et futurs, territorialisé et renouvelé.
Un énième ravalement de façade, un toilettage, la reconduction des méthodes, des égos et de clivages internes désuets ne feraient que valider la stratégie d’étouffement de la social-démocratie poursuivie par La France Insoumise et La République en Marche.
Oui, nous pensons que réinventer la gauche ne peut se faire qu’à l’écoute des citoyens de gauche, intellectuels, syndicalistes, acteurs économiques, du monde de la culture et des arts, des mouvements associatifs : nous appelons chacun à contribuer à cette réflexion collective.
Oui, nous sommes convaincus qu’après l’écoute de la parole citoyenne viendra le temps de la transformation profonde de nos pratiques politiques, des projets et des orientations nouvelles.
Oui, nous contribuerons à ce débat sur le terrain, là où nous vivons, sommes élus, agissons et militons. Nous croyons possible, à partir de nos expériences d’élus de terrain, de construire une force nouvelle, autour de l’identité socialiste et des valeurs de la gauche. Nous pensons aussi que notre famille politique a besoin de renouvellement.
Nous apporterons nos réponses à ces questions dans le cadre des ateliers citoyens puis dans celui du congrès, à la lumière de notre expérience, des attentes des militants et en cohérence avec nos convictions.
Nous proposerons à tous les militants et les sympathisants d’y participer et de nous rejoindre. Quant à nous, nous prendrons toutes nos responsabilités pour proposer une offre politique aux socialistes, qui permettra de réaliser ce projet urgent et indispensable : réinventer la gauche, une gauche qui conjugue l’ambition de l’utopie à l’exigence du réalisme.
Nathalie APPÉRÉ, Maire de Rennes,
Guillaume BACHELAY, ancien député, Secrétaire national du PS,
Olivier BIANCHI, Maire de Clermont-Ferrand,
Jean-François DEBAT, Maire de Bourg-en-Bresse, Pdt du groupe socialiste et démocrate du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes,
Carole DELGA, Ancienne ministre, Présidente du Conseil régional d’Occitanie,
Olivier DUSSOPT, Député de l’Ardèche,
Olivier FAURE, Député de Seine-et-Marne, Pdt du groupe Nouvelle gauche à l’Assemblée nationale,
Matthias FEKL, Ancien ministre, Conseiller régional Nouvelle Aquitaine,
Estèle GRELIER, Ancienne ministre,
Mathieu KLEIN, Président du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle,
Johanna ROLLAND, Maire de Nantes,
Najat VALLAUD-BELKACEM, Ancienne ministre,
André VIOLA, Président du Conseil départemental de l’Aude.