Tribune – Se mobiliser aujourd’hui pour réinventer la gauche demain

Retrouvez la tribune que je co-signe aujourd’hui dans Libération, que vous pouvez lire et signer à www.reinventerlagauche.fr

L’élection présidentielle a profondément bouleversé le paysage politique français. Le parti socialiste a connu la plus lourde défaite de son histoire moderne. Au premier tour, les candidats de gauche n’ont convaincu qu’une minorité d’électeurs et les électeurs socialistes se sont répartis sur trois candidats. Si le second tour a marqué le refus de l’extrême droite par une nette majorité de Français, il serait irresponsable de ne pas s’inquiéter des 34% des voix obtenus par Marine Le Pen. Dans ce contexte, il fallait protéger la République et c’est que nous avons fait, sans hésiter et avec détermination comme des millions de Français de droite comme de gauche.

Pour autant, chacun sait que l’élection d’Emmanuel Macron ne peut être une réponse à l’ensemble des inquiétudes et des fractures qui s’expriment dans le pays. Certes, sa position centrale, dans un contexte politique extrêmement troublé, a indéniablement séduit, mais souvent plus comme un refuge que comme l’expression d’une ambition choisie pour la France. Si les oppositions stériles et systématiques asphyxient la démocratie, la confrontation des projets et les débats d’idées la font vivre et respirer. Pour nous, dans la durée, la distinction entre droite et gauche contribue à la structuration et à la lisibilité de la vie politique, en offrant clairement aux citoyens deux voies distinctes dans le spectre républicain et la garantie d’une alternative démocratique. Nous ne considérons pas que le clivage du 7 mai se substitue dorénavant à la gauche et la droite et nous nous opposerons de toutes nos forces à ce que le prétendu clivage entre les « patriotes » et les « mondialistes », celui-là même que le Front National rêve d’ancrer, soit la seule grille de lecture de la vie publique de demain. Ce serait dangereux.

Naturellement, nous souhaitons la réussite du quinquennat qui s’ouvre et nous sommes persuadés que, pour cela, la France a besoin d’une gauche rénovée, offensive, claire sur ses valeurs, responsable dans ses choix. Nous assumons être prêts à soutenir les décisions positives pour le pays et à refuser celles avec lesquelles nous sommes en désaccord.

Pour cela, il faut lucidement tirer les conséquences de la séquence présidentielle. Le Parti socialiste, réduit à un score historiquement bas, doit revoir son discours et son projet : une refondation est indispensable pour redonner des perspectives à la gauche. Oui, il faut reconnaître à la fois que le bilan du quinquennat de François Hollande n’a été ni expliqué ni défendu durant la campagne présidentielle et que certaines orientations de la mandature qui s’achève n’ont pas été comprises par une partie de la gauche ; et il faut de même constater que certaines propositions de notre candidat n’ont pas été admises par une autre partie de la gauche.

Pour nous, l’avenir de la gauche ne réside ni dans une lente dérive gauchiste, qui se contenterait de postures et renoncerait par facilité à exercer les responsabilités, ni dans la voie du social libéralisme, qui renoncerait à transformer le réel pour seulement s’y adapter et qui chercherait à rester à tout prix au pouvoir. Les faux espoirs sont les ferments de la défiance. L’absence d’espoir fait le lit des idéologies extrémistes. Si la gauche s’est déchirée, fragmentée, c’est faute d’avoir fait, dans un monde qui change vite, très vite,sa révolution intellectuelle et, nous osons le dire, idéologique.

Nous sommes des élus de terrain, de gauche, engagés dans nos villes, nos départements, nos régions, au contact quotidien de nos concitoyens. Nous menons des politiques qui portent leurs fruits sur nos territoires. Notre constat est sans appel : pour la gauche, l’avenir ne peut être le simple retour au projet social-démocrate porté par le Parti socialiste depuis 20 ans. Notre choix c’est celui de la social-écologie réformiste qui transforme la société en profondeur et répond aux nouveaux défis du XXIe siècle. Notre choix c’est concilier la gauche créative et la gauche responsable, conjuguer utopie et pragmatisme.

Jamais sans doute notre monde n’a été confronté à de si grands défis : les mutations économiques s’accélèrent avec leur lot d’inquiétude pour tous ceux qui ont le sentiment de ne plus peser sur leur destin. L’urgence écologique nous oblige, dès maintenant, à penser différemment la production, les transports, l’énergie. La révolution numérique nous bouscule et modifiera le rapport au travail. L’Europe et le monde sont confrontés à la montée des tensions et de la violence. Nous devons faire de ces transitions autant d’opportunités.

Cinq chantiers majeurs s’imposent :

Le premier est celui de la justice sociale et de l’égalité réelle. Elle est au cœur du combat de la gauche. Elle est remise en cause, de manière insidieuse, au nom tantôt de l’efficacité, tantôt du refus d’un pseudo égalitarisme niveleur. Il faut reprendre le flambeau: par une protection sociale collective et mutualiste et non assurantielle et individuelle ; par la réaffirmation de la place du service public ; par la sécurité pour tous, par la priorité à l’école et à la formation tout au long de la vie ; par le renforcement de la lutte contre la pauvreté ; par le pari de l’investissement social car nous devons donner les moyens à chacune et chacun de choisir sa vie, en refusant les logiques de destin écrit par avance.

Le deuxième est celui de la transition écologique de l’économie. La raréfaction des ressources et des énergies fossiles ne permet plus de fonder la politique économique seulement sur la croissance. Nous devons apprendre à produire autrement les richesses, à nous déplacer autrement : plus que jamais, la question environnementale doit être au cœur de l’ensemble de nos choix. Elle ne peut être un sujet qui s’ajoute aux autres, mais bien ce qui fonde nos manières de penser et d’agir, pour construire un modèle de société sobre et durable. Priorité doit être donnée à la recherche, aux énergies renouvelables, aux transports du futur, aux outils de lutte contre le changement climatique.

Le troisième est d’affirmer le rôle des territoires dans la mise en œuvre de ces transitions. Ils sont des espaces de solution, grâce à l’énergie de leurs habitants et de leurs acteurs économiques, à leur capacité à innover et à s’engager. Sortons des fractures entre ville et campagne par une nouvelle alliance des territoires qui doit se construire sur des sujets concrets comme la question alimentaire ou l’accès à la santé. Donnons-leurs les moyens d’agir davantage, de mieux encore contribuer à dessiner l’avenir de la France, d’être les laboratoires du futur.

Le quatrième est celui de la démocratie. Pour nous, elle comprend trois dimensions complémentaires. Tout d’abord, la réforme de nos institutions pour donner davantage de place à la démocratie parlementaire, comme chez tous nos voisins européens, par exemple en inversant le calendrier électoral, en instaurant une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale, en moralisant la vie publique. Ensuite de nouvelles pratiques démocratiques par une citoyenneté active, créative, par l’association réelle et sincère des citoyens à la décision, en mobilisant l’intelligence collective au travers de stratégies collaboratives Enfin une vraie place à la démocratie sociale en confortant, au plan national comme local, le rôle des partenaires sociaux tant dans les évolutions du droit du travail que dans nos régimes de protection sociale.

Le dernier enjeu est celui de l’Europe. C’est, nous en sommes certains, au sein d’une Europe rénovée, que s’inscrit l’avenir de la France. Nous sommes conscients de ses lourdeurs, de ses faiblesses ; nous savons qu’il faudra convaincre nos partenaires d’agir ensemble pour réaliser la transition sociale-écologique de l’économie et de la société. Mais nous refusons les fausses solutions qui, dans une partie de la gauche, font de la sortie de l’Europe, de l’euro, un échappatoire démagogique et un déni de réalité.

Tel est notre projet. Pour nous, c’est au sein d’un Parti socialiste profondément rénové, refondé, qu’il doit se réaliser. Si elle veut exister à l’avenir, la gauche doit abandonner les vieux schémas et les réponses du passé. Il y a, il y aura, une gauche entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Ce ne sont pas les gauches qui sont irréconciliables : nous le vivons au quotidien dans nos collectivités. Ce sont les appareils politiques qui le sont devenus.

Voici pourquoi il faut voter à gauche, pour cette gauche, pour ces valeurs, lors des élections législatives des 11 et 18 juin. Nous disons à tous les citoyens, nombreux, qui partagent ces valeurs et qui sont désorientés par les événements des derniers mois : « Demain commence aujourd’hui : ouvrons ensemble une nouvelle page pour la gauche ».

Premiers signataires

  • Nathalie APPERE, Députée-maire de Rennes
  • Olivier BIANCHI, Maire de Clermont-Ferrand, Président de Clermont Auvergne Métropole
  • Jean-François DEBAT, Maire de Bourg-en-Bresse, Président du groupe socialiste et démocrate au Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes
  • Carole DELGA, Ancienne ministre, Présidente du Conseil régional d’Occitanie
  • Olivier DUSSOPT, Député-maire d’Annonay
  • Olivier FAURE, Député de Seine-et-Marne, Président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale
  • Matthias FEKL, Ancien ministre, Député du Lot-et-Garonne
  • Estelle GRELIER, Ancienne ministre, Députée de Seine-Maritime
  • Mathieu KLEIN, Président du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle
  • Johanna ROLLAND, Maire de Nantes, Présidente de Nantes Métropole
  • Najat VALLAUD-BELKACEM, Ancienne ministre
  • André VIOLA, Président du Conseil départemental de l’Aude