Lors du conseil municipal du 25 mars, une communication du maire sur la réforme des rythmes scolaires a été donnée aux élus en ouverture de la séance. Au nom du groupe des élus de gauche, je suis intervenu dans le débat pour présenter notre projet.
Nous regrettons que la majorité municipale ait préféré l’attaque contre le gouvernement au débat de fond sur le projet éducatif pour notre territoire.
Le groupe des élus de gauche a refusé de participer à un vote indicatif improvisé par le maire en fin de débat, sur la seule question de l’année de mise en œuvre.
———————————-
Monsieur le maire, chers collègues,
C’est peu dire que cette « communication du maire » ne nous satisfait pas. Ni sur le fond ni sur la forme.
Vous consacrez beaucoup de lignes, trop de lignes, à dénigrer la politique du gouvernement. Et si peu, finalement, à parler de l’enjeu des rythmes scolaires.
Sur la forme, vous vous moquez ouvertement du conseil municipal auquel vous ne soumettez même pas une délibération. Et voilà maintenant que vous dégainez en début de conseil municipal un vote « indicatif » sur un motif pour le moment inconnu !
Pourtant dès le DOB, nous avions souhaité pouvoir évoquer cette question.
Dans les différentes commissions municipales, malgré nos demandes répétées, aucune discussion n’a pu s’engager.
Que dire enfin du vrai – faux suspens que vous avez fait semblant d’entretenir sur l’année de mise en œuvre, pour finalement annoncer en ouverture du conseil municipal ma mise en œuvre en 2014.
La question la plus importante, celle d’un projet éducatif de territoire, cette communication ne la laisse malheureusement même pas entrevoir.
Les inégalités sociales au cœur de l’échec scolaire.
A vous lire, la réforme proposée par Vincent Peillon vise à lutter « contre la fatigue des élèves liée à une concentration des heures d’enseignement ». C’est à minima un contre-sens, voire le signe d’une méconnaissance totale des enjeux.
Les comparaisons avec d’autres pays européens sont claires : la France avec seulement 144 jours de classe par an répartis sur des semaines de 4 jours, dispose d’un des calendriers les plus denses. Ce rythme est en total décalage avec celui des élèves, et ne respecte pas leurs rythmes d’apprentissage et de repos.
Il faut d’abord rappeler que, si nous en sommes là, c’est en raison des mauvaises décisions de Xavier Darcos et Nicolas Sarkozy : alors que rien ne figurait, sur la question des rythmes scolaires, dans le programme du président élu en 2007, le ministre de l’Éducation nationale ouvre le dossier le 3 septembre de la même année… dossier bouclé trois jours plus tard par le Président de la République qui se prononce pour la suppression des classes le samedi matin.
En conséquence, le premier enjeu est de donner aux élèves du primaire de meilleures conditions d’apprentissage.
Car en leur donnant ce meilleur cadre de travail pour mieux maîtriser la lecture, l’écriture, le calcul, on leur garantit un meilleur déroulé de leur cursus scolaire à venir.
Le deuxième enjeu majeur de cette réforme est celui de favoriser la réussite de chaque élève, quelque soit son milieu social d’origine. S’il faut encore vous en convaincre, les études sont suffisamment nombreuses et consensuelles :
- 10% des élèves de CM2 ne maitrise pas les compétences de base en mathématiques et en français.
- Un fils d’instituteur possède aujourd’hui 14 fois plus de chance d’obtenir le baccalauréat qu’un fils d’ouvrier.
- 250 000 jeunes décrochent chaque année du système scolaire et en sortent sans diplôme.
- Plus de la moitié des enfants dont le père ne dispose d’aucun diplôme a déjà redoublé au moins une fois à l’entrée en 3e, contre 14 % de ceux dont le père a un diplôme supérieur au bac.
- Plus d’un tiers des enfants d’ouvriers ne sont pas partis en vacances l’année passée.
- 52 % des enfants d’ouvriers font du sport, contre 83 % quand un parent est diplômé du supérieur.
Les inégalités influencent donc dès le plus jeune âge l’acquisition des compétences et façonnant le déroulement global de la scolarité.
Pour cela, il est nécessaire de raccourcir les journées des élèves, c’est une évidence.
Le troisième enjeu enfin est celui est lié à l’organisation des activités périscolaires. Quel contenu? Quelle articulation avec le temps scolaire ? Comment les organiser afin qu’elles participent pleinement à la réduction des inégalités ? Comment faire en sorte qu’elles développent les aptitudes intellectuelles et physiques ainsi que l’épanouissement des enfants ? Voilà les questions dont nous aurions du débattre ce soir.
L’organisation proposée à Nancy n’est pas la bonne.
Le questionnaire que vous avez envoyé aux parents des 6 700 élèves nancéiens a pris le parti d’une option avec laquelle nous sommes en désaccord : la classe débuterait à 9h au lieu de 8h30 et s’achèverait à 16h15 au lieu de 16h30, avec un accueil le mercredi matin.
C’est à dire que les parents vont devoir composer avec de nouveaux horaires, en total décalage avec leur vie familiale et professionnelle. En effet, rares sont les parents pouvant déposer leurs enfants à 8h50 à l’école, cela implique donc qu’ils les déposent encore plus nombreux qu’aujourd’hui au service de garderie du matin, sans rencontrer les enseignants. Dans quelles conditions les seront-ils accueillis? Pour y faire quoi ? A nous de le deviner sans doute…
De surcroît, cet horaire ne favorise pas l’entrée en classe, c’est à dire dans les apprentissages, à cause d’un temps trop long de garderie.
Notre proposition
Nous défendons un projet qui repose notamment sur des expériences réussies, de Laxou à Toulouse (notamment avec les CLAE, centre de loisirs attachés aux écoles), en passant par Angers.
Nous donc rencontré, travaillé, discuté et débattu. C’est pourquoi aujourd’hui, nous vous proposons de :
- maintenir le début de la classe à 8h30, afin de permettre aux parents de pouvoir avoir un temps d’échange avec l’enseignant, chose impossible avec la proposition que vous envisagez. L’accueil périscolaire du matin dès 7h30 serait bien entendu maintenu et les conditions matérielles en seront améliorées ; en commençant à 8h30, on respecte mieux aussi le rythme d’apprentissage des enfants,
- classe le matin jusque 11h45 permettant aux enseignants d’enchaîner 3 séquences de travail, au moment où les élèves sont les plus attentifs,
- une pause méridienne d’1h45 (dont il faudra également améliorer les conditions),
- reprise de la classe à 13h30 jusque 15h30,
- 15h30-17h00 : mise en place de nouvelles activités éducatives, sportives,… proposant des cycles éducatifs, discutés avec les enseignants, les associations, les clubs sportifs et les fédérations d’éducation populaire. Nous les formaliserons dans un projet éducatif de territoire conjointement élaboré avec l’ensemble des acteurs de l’éducation.
- et une matinée de travail le mercredi matin, sur le créneau 8h30 – 11h30 ; un accueil sera proposé jusque 12h30 afin de permettre aux parents de venir récupérer leurs enfants ; la question de la restauration scolaire du mercredi midi et de l’accueil du mercredi après-midi devra être posée dans le cadre du dialogue et du partenariat à construire avec les associations…
Puisque vous avez maintenant décidé de démarrer en 2014, les Nancéiens pourront débattre dans les mois qui viennent autour de l’enjeu essentiel de la réforme des rythmes : la réussite de tous les élèves.