La transition écologique n’est pas une option : attention au trompe l’œil

Le changement climatique est-il vraiment pris au sérieux ? 

L’accord de Paris visant à contenir la hausse des températures à +2°C est clairement interrogé alors qu’il ne se passe plus une semaine sans qu’une nouvelle étude scientifique alerte sur les conséquences inéluctables du changement climatique.

Les premières victimes en seront les personnes les plus fragiles socialement.

Ces évolutions nous placent face à un enjeu socio-économique majeur pour préparer la civilisation de l’après-pétrole et pour dépasser un modèle de production et de consommation basé sur l’accumulation sans fin.

La transition écologique n’est donc pas une option, c’est une nécessité pour assurer un environnement et des conditions de vie saines pour les générations futures comme pour les plus vulnérables

Les marches pour le climat ont réuni 100 000 personnes en France le 8 décembre dernier, dont plus de 1 500 à Nancy. Le même jour, ils étaient aussi plusieurs dizaines de milliers à occuper les ronds-points avec un gilet jaune, dans un mouvement inédit révélant une nouvelle fois les fractures sociales et territoriales de notre pays, à partir d’un élément déclencheur : les mobilités.

86 % de nos compatriotes jugent en effet que les difficultés à se déplacer constituent un frein à l’emploi, alors qu’une majorité d’entre eux n’ont d’autres choix que de prendre leur voiture chaque matin pour se rendre au travail. Fortement consommatrice d’espace et d’énergie, source de pollution importante mais aussi de stress, de fatigue et de dépenses contraintes pour de nombreux ménages, la voiture individuelle n’en reste pas moins la seule alternative pour beaucoup.

Depuis plusieurs décennies, pendant que la Lorraine s’engluait dans des débats sans fin sur l’A31, construisait une gare TGV et un aéroport au milieu des champs et que Nancy brillait par l’inconsistance de son réseau de transport en commun, de nombreux territoires en France et dans le monde participaient à l’émergence de nouveaux modèles de mobilités (Strasbourg, Grenoble, Nantes ou Bordeaux, par exemple).

Aujourd’hui, la révolution des technologies et des usages est à nos portes : l’intelligence artificielle, l’électromobilité et l’économie collaborative posent de nouveaux défis. A Lyon comme à Verdun, des navettes sans chauffeur se déploient déjà pour offrir une desserte efficace.

Si les Etats ne sont pour l’heure pas parvenus à renverser durablement les tendances, c’est bien à l’échelle des territoires que le défi doit être relevé en premier lieu.

Alors, plus que jamais, Nancy et le Grand Nancy ont impérativement besoin de révolutionner leurs politiques en matière de mobilité. Les zones d’emploi, de commerce, ainsi que les grands équipements publics doivent enfin bénéficier d’une desserte en transport en commun performante. Le réseau cyclable doit devenir digne de ce nom et les zones 30 ne constituent en aucun cas une réponse suffisante. La politique de stationnement est à concevoir globalement et en lien avec le réseau de transport en commun ainsi que les mobilités actives et partagées. Aux portes d’entrée de l’agglomération, il faut déployer de véritables pôles de rabattement pour offrir des solutions aux 100 000 personnes qui arrivent quotidiennement de l’extérieur.

A cela s’ajoute le besoin de disposer d’une information voyageur performante et une billettique harmonisées avec les territoires voisins de la Métropole. Au-delà, pour réduire les conflits d’usage et libérer l’espace public, c’est le transport de marchandises qu’il faut organiser. Enfin, il faut engager dès à présent le débat sur la tarification des transports publics, y compris leur gratuité.

Je plaide pour que les citoyens, leurs associations, leurs commerces, leurs entreprises, leurs écoles et leurs élus inventent ensemble la ville à vivre du 21ème siècle, celle qui redonne le goût de partager les espaces et notamment les places. Je propose ainsi que nous nous fixions ensemble des objectifs ambitieux de piétonisation, notamment en ville vieille et dans le centre-ville.

Il faut offrir aux habitants la possibilité de s’approprier les espaces publics pour des usages libres et non planifiés, ramener de la nature en ville, agir pour préserver la biodiversité ordinaire, lutter contre les îlots de chaleur, mieux gérer la ressource en eau.

Bâtir des solutions nouvelles, c’est aussi ne pas s’engouffrer dans les mêmes impasses qu’hier. Cela pose la question des friches par exemple : faut-il reproduire à Alstom, aux Grands moulins ou sur les friches actuelles et futures de l’université et de l’hôpital les mêmes erreurs qu’à Nancy Grand Cœur ou Stanislas Meurthe ? Comment en 2019 peut-on encore envisager un nouveau quartier en pensant uniquement logement ? Changer de braquet, c’est engager une réflexion globale, intégrant la mixité de toutes les fonctions, de l’autonomie énergétique à l’autosuffisance alimentaire.

L’accès de tous à une alimentation saine et respectueuse de l’environnement est devenu un objectif partagé. Et pourtant, à ce jour, la production locale ne répond qu’à 1 % des besoins quotidiens de notre territoire. C’est toute la chaine alimentaire qu’il faut repenser : du produit agricole brut, à sa transformation, à son stockage jusqu’à sa distribution. Notre seul horizon ne peut être d’agrandir infiniment la ville et la métropole, il faut avoir l’audace de nouvelles coopérations entre les territoires ruraux et les territoires urbains, en s’engageant pleinement et collectivement autour d’un plan alimentaire territorial ambitieux. 

C’est en ce sens que j’ai souhaité que le département engage dès cette année un programme d’acquisition foncière autour du Grand Nancy pour favoriser l’installation de maraîchers dont la production sera dédiée à la restauration hors domicile (cantines scolaires, hôpitaux, résidences pour personnes âgées, …).

Prendre part à la transition écologique, c’est investir dans le bien commun et rechercher des cercles vertueux de consommation énergétique, comme la transformation des bâtiments publics en bâtiments à énergie passive ou positive. Ainsi, le collège à énergie passive Jean Lamour a réduit sa facture annuelle à 3 000 € pour chauffer ses 4 200 m². Demain, le collège Artem ira au-delà en produisant de l’énergie pour son territoire. J’ai la conviction que ce critère de performance énergétique doit s’intégrer – comme d’autres indicateurs alternatifs de développement – dans le calcul de la bonne santé du territoire.

L’économie verte utilise des procédés moins consommateurs d’énergie et plus soutenables à long terme. La responsabilité des pouvoirs publics est d’accompagner les initiatives et les dynamiques locales, de favoriser les échanges et mutualisations – comme a su le faire Dunkerque qui a misé sur l’écologie industrielle, avec 300 emplois à la clef.

Réussir la transition écologique en 2019, ce n’est pas repeindre quelques murs en vert, au risque de remplacer un trompe l’œil artistique par un trompe l’œil politique, mais bien d’interroger toutes les politiques pour donner une orientation globale et forte à l’ensemble de nos actions en faveur de nos biens communs.  C’est donner du sens au changement de nos modes de vie et inventer de nouvelles solidarités.