Retrouvez ci-dessous ma tribune publiée dans La Semaine Metz/ Nancy à l’occasion de son 400e numéro :
Capitale d’un état souverain qui a rejoint la France il y a seulement 252 ans, berceau de l’art nouveau à la faveur des tumultes de l’Europe de la fin du XIXème siècle, Nancy est une cité dont l’histoire singulière a forgé une identité aussi puissante pour les siens que parfois hésitante pour les autres. Comme tous les Nancéiens, j’aime ma ville et je n’apprécie guère qu’elle soit ignorée sur la carte de France.
Nancy a franchi une étape importante en devenant métropole il y a 18 mois. Si j’ai contribué à cette transformation pour le rayonnement et l’attractivité du Grand Nancy, cela n’a procuré de baguette magique à personne et les défis à relever sont d’autant plus nombreux.
Le défi du quotidien. Pour aimer sa ville, il faut la vivre. La dilution des repères civiques donne à l’échelle locale une forte responsabilité. A la fin des fins et toutes les réformes territoriales du monde n’y changeront rien, le citoyen connaît deux élus : son maire et le président de la République. Les Nancéiens veulent une ville enviée pour son audace, qui rassemble, prend soin de tous ses habitants, toutes les générations, de tous ses quartiers, une ville facile à vivre. Comment faire de l’attention accordée à la place Stanislas l’attention accordée à chaque rue, comment enrayer les difficultés du commerce de centre ville, comment saisir les opportunités pour que le numérique soit au service des habitants et du progrès social, comment trouver l’équilibre entre tous les modes de déplacement dans une ville à la topographie aussi contrainte ?
Le défi citoyen. Aucune de ces questions ne trouvera de réponse sans les citoyens. J’ai été récemment marqué par la concertation sur les collèges du Plateau de Haye et la mixité sociale. Improbable, une solution s’est dessinée grâce à un compromis politique et surtout à une concertation avec les habitants, à la fois large sur les enjeux éducatifs et sociaux, et en grande proximité avec les familles. Les Nancéiens veulent reprendre leur destin en main, pas seulement à l’occasion d’une élection. Regardez les débats sur le devenir de l’ancienne école Fontenoy aux Trois Maisons, la place Thiers, le musée lorrain, Nancy Thermal.
Il faut changer d’époque, réinventer la fabrique citoyenne de Nancy et ne pas se contenter des vieilles recettes, au risque de voir les habitants se détourner comme en témoigne récemment le faible taux de participation à la votation sur la réforme des rythmes scolaires. L’avenir du quartier St Pierre René II Bonsecours, dans la perspective du départ de l’Hôpital Central, devra faire l’objet d’une démarche exemplaire.
Du reste, l’impulsion n’est pas seulement politique : un grand nombre de Nancéiens inventent chaque jour des projets dans l’économie solidaire, circulaire et numérique, les solidarités locales et internationales, pour défendre la laïcité ou la culture dans les quartiers populaires. Bref, pour que le qualificatif traditionnel de ville humaniste soit autre chose qu’un beau mot. Donnons nous de nouveaux défis communs, fidèles à l’histoire d’innovation sociale de notre ville : l’éradication de la pauvreté des enfants en serait un particulièrement fédérateur.
Le défi écologique, qui ne doit pas être seulement le slogan d’une année : c’est l’enjeu majeur de tout un siècle. Le classement de la Forêt de Haye en forêt de protection, pour lequel je me suis investi, met la barre au bon niveau : comment rendre cohérente demain la gestion écologique de la ville et la métropole avec la sanctuarisation de notre poumon vert. Je plaide pour une ville d’abord aménagée à l’échelle du piéton, une ville des circuits courts alimentaires, qui développe la végétalisation de son bâti.
Le défi de l’attractivité. Pour le relever, nous avons tous fait le choix de la métropole du Grand Nancy, dotant notre territoire des meilleurs leviers d’action. De belles intuitions ont émergé ces dernières années, comme le Technopôle Henri Poincaré ou le projet de renouveau du thermalisme et il faut accompagner leur concrétisation. Dans quelques semaines, le campus Artem sera (enfin) inauguré, couronnant ainsi une idée de génie. Prolongeons la en générant cet éco-système pour des milliers d’étudiants qui s’installent dans le Grand Nancy le temps de leur cursus et s’en éloignent sitôt leur diplôme en poche. Tous n’ont pas vocation à rester mais tous n’ont pas non plus vocation à nous quitter ! Si les universités ont réussi le pari audacieux de l’Université de Lorraine, si nos écoles ont réinventé l’école de Nancy à travers Artem, à nous politiques de nous hisser au bon niveau, nous avons les ingrédients requis pour y parvenir : le PEEL, la naissance du Pôle entrepreneurial en sont de belles preuves.
C’est aussi vrai pour la culture, car du festival mondial du théâtre de Nancy au festival international du film de Nancy en passant par le NJP, le Livre sur la Place, Passages ou Ring, ce sont 55 années de ce bouillonnement créatif continu, qui est l’une des principales raisons d’aimer Nancy.
Le défi du leadership. La Lorraine est traversée de nombreuses interrogations. L’unité de ses décideurs, politiques et société civile réunis, qui lui a tant fait défaut par le passé, est son meilleur atout. Les Nancéiens sont attachés à la présence de centre de décisions régionaux et nationaux, notre prochain rendez-vous est celui de la défense de la cour d’appel de Nancy et de sa fonction interrégionale. Nancy doit assumer son rôle à l’échelle régionale, ne pas avoir comme seul horizon l’élargissement de la métropole car d’autres formes de coopérations solidaires et innovantes existent, la Multipôle Sud Lorraine en témoigne. Nancy doit donner de la voix pour obtenir des arbitrages du gouvernement pour l’avenir du CHRU engagé dans une courageuse refondation, pour l’élargissement de l’A31, s’intéresser au devenir de Lorraine Airport et s’engager pour la gare de Vandières, tout en défendant ses liaisons vers le sud et son TGV direct avec Paris. Enfin, l’avenir de Nancy sera européen et l’accroissement constant du nombre de Grand-Nancéiens qui se rendent chaque jour au Luxembourg pour travailler est un aspect essentiel des liens avec nos voisins luxembourgeois, belges et allemands qu’il faut pleinement investir, car ce ne sont pas des priorités pour le seul nord lorrain.
« Construire avec l’esprit de son époque. Admirer le passé bien sûr, car c’est la connaissance, mais tâcher de découvrir ce qu’une époque peut procurer » : Jean Prouvé continue de résonner dans le Nancy de 2018, à nous de découvrir tout ce qui reste à construire.