Hommage commun du conseil général de Meurthe-et-Moselle et de la ville de Nancy à Jean Jaurès

École élémentaire Jean Jaurès – Nancy
31 juillet 2014 – 11h 00

« Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre » écrivait Jean Jaurès.
Refusant de céder tant à la démagogie qu’au cynisme, il a profondément ancré le socialisme dans le réel, un réel non pas de fatalité, mais pétri d’exigences. Son socialisme était une certaine idée de la République. Républicain, il l’était car il savait qu’il n’y a pas de valeurs communes sans engagement commun.
Nous qui sommes aujourd’hui rassemblés sur le boulevard Jean Jaurès, à quelques mètres du boulevard Georges Clémenceau, nous pouvons en prendre toute la mesure à la lumière de leur mobilisation collective en faveur du capitaine Dreyfus et de la laïcité dans le cadre de la loi de séparation de l’Eglise et de l’État en 1905.
Car oui, le cœur de la République bat dans les valeurs communes de toutes celles et ceux ayant contribué à la façonner.
Pour autant, la République se nourrit du débat, de la confrontation des idées et l’héritage de Jean Jaurès, pour le socialiste que je suis, comme pour chacun d’entre nous ici, est bien d’avoir arrimé définitivement le socialisme à la République, d’en avoir fait une force politique légitime pour présider à sa destinée.

« Le courage, c’est de rechercher la vérité et de la dire » écrivait-il encore. Et la vérité, c’est que l’exercice des responsabilités est la voie la plus sûre pour conquérir de nouveaux droits et construire l’égalité.

L’Égalité, inscrite au fronton de chacun des symboles de la République.
« Paysan cultivé du Tarn », comme il se désignait lui-même, en réalité grand intellectuel – major de Normale Sup, devant Bergson – le leader socialiste, fondateur puis chroniqueur de son temps à l’Humanité, était un humaniste serein, selon les mots de Gilles Candar, président de la Société d’études jaurésiennes, et plaçait haut le droit à l’éducation. « Ce qui importe avant tout c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrière. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir », un avenir qui au fur et à mesure où il s’assombrissait en ce début d’été 1914 commandait à Jean Jaurès de rappeler sans cesse que l’éducation est un rempart, le meilleur qu’il se peut, à la violence, au nationalisme, à la folie des hommes.

C’est pourquoi, en cet anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 1914, il n’y avait dès lors pas de meilleur endroit que la façade d’une école pour rappeler son souvenir aux Nancéiens.
La ville de Nancy et le conseil général de Meurthe-et-Moselle ont ainsi décidé de dévoiler ensemble une plaque à sa mémoire sur le mur de l’école élémentaire de Nancy qui porte son nom.

Un siècle. Voilà un siècle que Jaurès fut assassiné car ses convictions étaient si profondes qu’elles faisaient enrager ses ennemis.
Trois jours après son assassinat au café du Croissant à Paris, l’Allemagne déclarait la guerre à la France. L’Europe s’embrasait. Le monde basculait.
« Si l’on juge de ce que serait la guerre elle-même et des effets qu’elle produirait … on se demande si les plus fous ou les plus scélérats des hommes seraient capables d’ouvrir une pareille crise » écrivait-il dans son dernier article, quelques heures avant sa mort.
Rapidement en première ligne du conflit, Nancy et la Meurthe-et-Moselle pourront témoigner tout au long de ces années de centenaire de la Grande Guerre combien Jaurès, hélas, avait raison. Pendant toute la guerre elles furent exposées aux bombardements. Nancy fut décorée pour son patriotisme par le président Poincaré, en 1919.

1914 – 2014. A l’heure où la République doute d’elle-même, où en de nombreux endroits de la planète, le nationalisme, l’intégrisme, le fondamentalisme menacent la paix du monde, l’homme politique, l’humaniste, l’infatigable défenseur de la paix a encore beaucoup à dire :
Comment articuler les progrès de l’égalité et la marche vers les libertés ?
Comment penser la fraternité des peuples dans le respect des nations ?
Comment défendre la nécessité de la réforme sans renoncer à l’idéal, à l’utopie ?

Cent ans après, la paix est-elle au rendez-vous du XXIème siècle ? Les images d’Afghanistan, d’Afrique où les guerres ethniques se succèdent alors que les missions internationales comme celle menée par la France au Mali ou les « Printemps arabes » peinent à tenir leurs promesses démocratique ; les nouvelles d’Irak, de Syrie, de Gaza, d’Israël mais aussi de Russie et d’Ukraine nous font douter.

Tout en comprenant le réel, nous devons aller à l’idéal et affirmer que notre génération bâtira pour les suivantes la grande paix humaine universelle à laquelle Jean Jaurès aspirait tant.

En ce jour de souvenir, sur ce boulevard auquel le conseil municipal de Nancy donna parmi les premières villes le nom de Jean Jaurès, si l’on ne peut facilement consoler le poète se demandant « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », faisons nôtres les mots de Jaurès qui fut à la fois un homme d’Etat et un rebelle pour citer une nouvelle fois Gilles Candar : «  Le péril est grand mais il n’est pas invincible si nous gardons la clarté de l’esprit, la fermeté du vouloir, si nous savons avoir à la fois l’héroïsme de la patience et celui de l’action. …. Car l’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir ».