Mathieu Klein : « Rossinot ou un autre, tout me va » (La Semaine)

Début de campagne et souci de mieux se faire connaître. Le candidat socialiste va à la rencontre des habitants des quartiers.

Il est tôt le matin. Bien avant l’ouverture des bureaux de la Mutuelle Française Lorraine où il reprend tout juste le poste qu’il occupait avant de rejoindre en 2009 le cabinet de Martine Aubry à la direction du PS. Chargé de projet pour l’accès aux soins, Mathieu Klein plonge à nouveau dans la vie active, loin du travail d’appareil mais toujours et plus que jamais dans le casting politique. A l’heure du café et des croissants, le discours est limpide. Pas de contorsions, de place à revendiquer ni de permission à demander. Depuis le 29 septembre, date de sa déclaration de candidature à la mairie, il a déjà un peu de terre de la campagne électorale à ses semelles. S’il se confie, dès potron-minet alors que la compétition est encore loin de s’aiguiser, c’est parce qu’on le sollicite et non par plaisir de s’exposer ou de dessiner le profil du prétendant idéal auquel s’offrent de flatteuses perspectives.On l’a souvent décrit comme un apparatchik péremptoire, autoritaire, dirigiste, courant après les couronnes de la gloire. A ce portrait qui le fait sourire, il oppose l’image d’un bosseur qui s’exprime complètement dans l’action publique. Il suffit de démarrer la conversation pour comprendre qu’il s’estime à la hauteur de ce qui l’attend. Avec son équipe dont la maïeutique est de gauche et les groupes de réflexion très ouverts à la société civile, il se voit comme une force de proposition qui fait honneur au camp du progrès. Ce qu’il explique aux personnes rencontrées lors des réunions de quartier : « L’objectif est de consacrer une journée de travail à chacun des onze quartiers de Nancy. On va au-devant des parents d’élèves, des acteurs emblématiques du secteur, on fait aussi du porte-à-porte. C’est une phase simple d’écoute et de dialogue. On termine par un café citoyen qui regroupe tous ceux qui le souhaitent. »« Il va sur le terrain pour se faire connaître », raillent ses adversaires qui font mine d’ignorer son engagement dans la vie publique, son vécu dans l’action et ses réélections triomphales à l’occasion des cantonales. « Le manque de notoriété, j’entends ça depuis dix ans. Il y a ceux qui me connaissent et d’autres qui vont gagner à me connaître. J’ai été formé par la législative partielle de 2005 où je devais être écrabouillé par le très connu Jean-Jacques Denis. On connaît la suite. Il faut faire la différence entre la notoriété et l’élection. Un maire doit être en empathie avec sa ville. Certes, je n’ai pas la même notoriété que le sortant mais je n’ai pas non plus le sentiment d’être dans une situation alarmante. »

Nancy est au cœur de mes préoccupations

A chacun ses défauts, réels ou supposés. Ceux de Mathieu Klein seraient, d’après la majorité en place, plus importants que ses cartes maîtresses. Non seulement il est un inconnu dans la maison dont les faits de gloire ne dépassent pas les limites de son canton mais en plus « il ne fait rien pour Nancy au Conseil général ». Médiocre querelle de rivaux craintifs et sous pression, répond le candidat socialiste qui s’enorgueillit de connaître son territoire sur le bout des doigts. « Nancy est au cœur de mes préoccupations. Je n’ai pas attendu d’être candidat pour m’en apercevoir. Prétendre le contraire est une ineptie. Ça prouve une méconnaissance totale ou un désarroi au moment de trouver un angle d’attaque. J’ai porté au département les opérations de soutien à la rénovation urbaine. On peut citer également le centre social Jolibois, le plan collèges nouvelle génération qui impacte les collèges de Nancy, les tarifs pour les cantines scolaire. Je suis conseiller général de Nancy ville, je consacre une large partie de mon temps à Nancy. Michel Dinet a toujours été sensible à l’équilibre entre le rural et l’urbain et je revendique une part importante de cet engagement. Je m’appuierai sur cette action pour montrer que je peux être maire de Nancy. Jamais je ne me laisserai enfermer dans le rôle de conseiller général. »

Pourtant, c’est sur le socle de cette expérience qu’il construit. Sa stature, il l’a acquise dans sa fonction de premier vice-président, une place royale dans le sillage de Michel Dinet et un tremplin pour la suite, d’autant que son impact dans l’opposition municipale et communautaire ne passe pas inaperçu. En face, où certains se hérissent à l’évocation de son nom, on se moque de ses manières d’homme qui s’y voit déjà. Lui, indifférent aux sarcasmes, aux moqueries et aux méchancetés de tous ordres, sillonne le territoire et balaie tous les thèmes : la solidarité, la tranquillité publique, la santé, l’éducation et des sujets sur lesquels Nancy doit être en pointe : la transition énergétique, l’innovation, la métropole européenne. « Lors des cafés citoyens, deux thématiques reviennent : la sécurité car il y a un malaise dans l’actuelle majorité autour de ces enjeux. Certes, c’est une mission régalienne mais il y a un souci d’accompagnement, de prévention et de médiation dans la ville. La société est dure, ceux qui trinquent le plus, ce sont les plus fragiles. Le rôle du maire est fondamental. Il est le fédérateur, le garant du vivre ensemble. L’autre grand sujet c’est la mobilité. Les gens ne comprennent pas bien comment va fonctionner la ligne 2, il y a des craintes sur l’engorgement autour de la gare, le plan de déplacement cyclable. Au-delà des thématiques, il y a un fil conducteur d’interpellation : il faut que cela change. L’envie de respiration démocratique s’exprime et pas que chez les gens de gauche. »

Les gens veulent savoir ce que j’ai dans le ventre

Dans quelques mois, Mathieu Klein lancera une association ouverte à tous ceux qui veulent l’alternance à Nancy. Il pilote l’affaire comme un pro aux grandes ambitions, qui conduira une liste à l’image de la ville qui, dit-il, rassemblera les Nancéiens. « Il y aura des socialistes, des écologistes, des communistes et des personnalités fortes, n’appartenant à aucun mouvement politique, pour porter de grands enjeux. Dans ma tête, j’ai l’architecture de la liste. Chaque chose en son temps mais j’ai l’intention de ne rien laisser au hasard. »On le verrait débiter avec fougue des théories éblouissantes, des visions de la cité d’où il faudrait dissiper la fumée des mots qui parfois entourent et embrument le message. Il n’évite pas toujours ce piège mais il opère souvent avec la précision de l’horloger soignant, polissant, réglant les mécanismes qu’il met en place. « Progressivement, on entre dans la peau du candidat. Les gens veulent savoir ce que j’ai dans le ventre. C’est ce que m’a dit l’autre jour l’un des participants au café citoyen. Ce n’est pas une élection comme une autre. Je me suis engagé dans cette campagne avec bonheur et plaisir. J’ai la conviction d’avoir fait le choix de ce que je suis capable de bien faire. C’est un grand et beau défi politique. André Rossinot est un maire très ancré. C’est un défi personnel. C’est aussi le mandat le plus important que j’ai sollicité. Ça me correspond. »On est frappé par tant d’énergie et d’envie. Garderont-elles la même intensité si André Rossinot passe la main ? « Rossinot, Hénart, Valérie Debord, Husson, Pélissier, tout me va. Je ne me détermine pas par rapport à un adversaire, je me détermine par rapport à mes valeurs. Ils choisiront qui ils voudront. Je suis serein, je note qu’ils ont du mal à se dépêtrer de cette situation. C’est exactement la raison pour laquelle, cette ville a besoin d’alternance. » Mathieu Klein s’y est pris à l’avance. Pour tenir jusqu’au bout, il lui faudra du souffle, du caractère et de l’instinct politique. Mais, justement, ne juge-t-on un personnage à la manière dont il se sort des pièges sans rien abandonner de sa passion et de ses convictions ?
Par Pierre TARIBO • Journaliste de La Semaine

Cet article est paru le 25 octobre dans l’hebdomadaire La Semaine n°394. Pour lire le journal dès sa parution, abonnez-vous