Madame, Monsieur,
Les transports collectifs et les déplacements dans le Grand Nancy sont depuis vingt ans la source de nombreuses difficultés, faute d’objectifs clairs et ambitieux pourtant indispensables à la transformation opérée dans le même temps par la plupart des métropoles françaises. Contrairement à Grenoble, Bordeaux ou Dijon, aucun chantier d’envergure n’a été engagé à Nancy depuis la piétonnisation de la place Stanislas, il y a bientôt quinze ans déjà.
Alors que le rapport de l’enquête publique sur le Tram vient d’être rendu au Préfet de Meurthe-et-Moselle, que les Conseillers Métropolitains du Grand Nancy auront à se prononcer sur le sujet le 20 décembre, je souhaite apporter plusieurs réflexions aux débats.
Un objectif inchangé : accéder à Brabois, sans rupture de charge.
Comme je l’ai exprimé lors du Conseil Métropolitain du 20 avril 2018, j’étais et je reste opposé à toute rupture de charge sur la ligne 1.
Il m’apparaît aujourd’hui important de réaffirmer cette ambition qui m’a conduit à défendre le projet d’une Déclaration d’Utilité Publique unique sur l’ensemble du tracé, contrairement au Maire de Nancy, pour offrir la seule alternative adaptée aux besoins des 45 000 usagers de la ligne 1 parmi lesquels un certain nombre des 19 000 personnes qui se rendent quotidiennement à Brabois.
Mais si le Tram ferré est et doit demeurer un objectif pour le Grand Nancy, chacun doit prendre la pleine mesure de la situation actuelle et des écueils qui lui font face :
• Un calendrier irréaliste pour un projet morcelé jusqu’en 2028, qui induira une, voire plusieurs ruptures de charges et une desserte de Brabois imaginée (au mieux) pour 2026.
• Un risque de pagaille durant quatre ans au moins pour les usagers, puisqu’aucun engagement n’a été pris sur le service intermédiaire à organiser pour répondre à ces ruptures de charge.
• Une perspective de Tram au rabais, avec du matériel roulant peu qualitatif pour compresser le coût d’investissement.
• Un projet insoutenable financièrement : aucune garantie de financement n’a été apportée pour ce projet estimé à près d’un demi-milliard d’euros, alors que le niveau d’endettement du Grand Nancy, déjà le plus élevé de France avec 2 600 euros par habitant, serait porté à plus d’un milliard d’euros. Le seuil d’endettement dépasserait alors le seuil d’alerte des 12 années et conduirait la Métropole dans une politique d’austérité que personne ne souhaite.
Tout ne se résume pas au Tram.
Car si la ligne 1 est un élément majeur de la mobilité dans le Grand Nancy, celle-ci ne doit pas se faire au détriment des projets au service des piétons, des cyclistes ou des usagers de l’ensemble du réseau Stan, trop longtemps relégués au second plan.
Il y a urgence à mettre en oeuvre des actions ambitieuses pour développer les services rendus aux usagers, garantir la sécurité de chacun (à commencer par les plus fragiles), réduire significativement la pollution urbaine sur l’ensemble de la Métropole et offrir la qualité de vi(ll)e que sont en droit d’attendre les grand-nancéiens.
En matière de transports publics collectifs, il me semble indispensable de mettre en place à partir de 2020 et sur la durée du prochain mandat :
• Un programme « priorité aux bus » pour donner une vraie primeur aux modes collectifs par rapport à l’automobile individuelle et fluidifier au maximum le trafic des bus : l’installation de capteurs aux feux tricolores, l’aménagement en site propre de certaines voiries prioritaires et l’adaptation des stations sont autant de leviers à activer pour rendre les bus attractifs auprès des usagers.
• Un réseau Stan repensé avec les territoires voisins du Grand Nancy, pour proposer aux quelques 100 000 personnes qui entrent quotidiennement dans l’agglomération des alternatives crédibles à l’automobile individuelle qui engorge aujourd’hui la Métropole.
• Des pôles multimodaux construits avec les collectivités voisines pour offrir demain des parkings relais aux noeuds routiers connectés à des bus express vers le centre-ville comme des gares multimodales attractives aux portes de l’agglomération, comme à Pompey ou à Pont-Saint Vincent.
• Une refonte de la tarification pour rendre les transports en commun plus attractifs et plus solidaires. Si le contexte financier du Grand Nancy ne permet pas d’envisager la gratuité totale des transports à court terme, il faut engager la gratuité du réseau les week-ends et en permanence pour les personnes âgées et les jeunes.
• Une filière de production lorraine d’hydrogène décarbonée, construite avec les acteurs économiques, industriels, universitaires et les collectivités du sud meurthe-et-mosellan pour développer et promouvoir des véhicules de transport 100 % écologiques, zéro émission et zéro bruit.
• La mise à l’étude du déclassement de l’A33 au profit d’un boulevard urbain et d’une meilleure desserte de Brabois.
• Une vigilance de chaque instant pour que Nancy reste sur la carte de la grande vitesse européenne comme d’un réseau TER performant vers la Lorraine, le Grand Est et nos voisins allemands, belges et luxembourgeois.
Je souhaite que le prochain mandat engage un plan d’investissements ambitieux pour les politiques en faveur des piétons et des cyclistes, pour rattraper le retard accumulé dans la piétonisation et corriger des aménagements vélo réalisés au compte-goutte ces dernières années :
• Expérimenter « une zone à trafic limité » : en prélude à la piétonisation, je suis favorable à une expérimentation en centre-ville pour limiter la circulation automobile dans un secteur qui pourrait s’étendre dans un premier temps à la vieille ville, de la rue du Pont-Mouja jusqu’au centre commercial Saint Sébastien. Nancy testerait ainsi autour d’une concertation approfondie avec les commerçants, les riverains, les entreprises, les associations, ou encore les personnes âgées les moyens de construire un centre-ville apaisé avec des zones piétonnes attractives (à l’image de la place Stanislas) et des espaces publics et végétalisés de qualité.
• Créer de véritables autoroutes cyclables en identifiant des axes Nord / Sud et Est /Ouest au-delà du centre-ville, en adaptant les carrefours, en gommant les discontinuités, en développant des solutions de stationnement et en sécurisant les cyclistes mais aussi les usagers des nouveaux modes doux qui s’avèrent particulièrement adaptés aux trajets du quotidien (50 % de nos trajets sont inférieurs à 3 kms). Les pistes cyclables sur les voies de bus doivent trouver demain des alternatives sécurisées et les voies cyclables inachevées doivent trouver rapidement des issues.
Chacun devra faire la clarté sur ses priorités dans les semaines qui viennent. Pour ma part, je défendrai une politique des mobilités :
• ambitieuse qui soutienne l’attractivité économique et universitaire du Grand Nancy,
• efficace qui propose un service réellement performant aux habitants, qu’ils soient étudiants, retraités ou actifs,
• solidaire qui favorise l’accès de toutes et tous aux transports,
• écologiste qui contribue à une réduction significative des émissions de CO2 de notre territoire,
• réaliste qui tienne compte des moyens financiers que la Métropole peut réellement engager.
Aussi et AVANT TOUTE DÉCISION SUR LE TRAM, afin de ne pas empêcher cette refonte indispensable de la politique des transports, il est indispensable de disposer d’un audit financier complet du Grand Nancy. Nous jugerons alors, en toute transparence et devant l’opinion publique, de la capacité de la Métropole à financer cet investissement dans le calendrier proposé.
Mathieu Klein