Discours à l’occasion de l’hommage aux victimes de l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre 2023

« La barbarie à l’état pur. »

C’est avec ces mots que je commençais mon propos en m’adressant à la foule rassemblée il y a un an place Stanislas pour dire notre émotion et notre solidarité avec le peuple israélien.

Comme vous, je ne me doutais alors pas encore, à l’heure où je m’exprimais, de l’ampleur et l’intensité de cette barbarie.

Ce soir en vous accueillant dans la maison commune des Nancéiens, ici à l’Hôtel de Ville, je veux d’abord dire, redire aux juifs de Nancy et d’ailleurs, que dans ce moment qui les renvoie comme jamais depuis la Shoah à la fragilité de leur destin, dans cette époque qui voit s’envoler les actes antisémites en France : ils sont ici chez eux, vous êtes ici chez vous, dans votre ville, dans votre pays, citoyens à part entière, la République se tient aux côtés de chacun de ses enfants.

Attaquer, enfermer, humilier, assassiner, violer, enlever quelques 1 200 enfants, femmes et hommes en Israël le 7 octobre 2023, c’est vomir sa haine à la face de nos sociétés libérales et humanistes, c’est insulter chaque religion du Livre, c’est asservir l’humanité toute entière.

Depuis longtemps nos pensées sont aussi tournées vers notre ville jumelle de Kiryat Shmona. Et depuis quelques jours, elles se sont faites plus denses, plus inquiètes, plus fréquentes. Avihay Stern, mon collègue maire de Kiryat Shmona a beau me dire être habitué à vivre à portée de roquettes du Hezbollah, je sais que le souci de la diaspora de la ville éclatée aux quatre coins du pays n’a d’égal que l’attention préoccupée à celles et ceux qui sont restés sur place. Cette année marque le 40ème anniversaire de notre jumelage et, même si j’ai du me résoudre à reporter le déplacement que j’avais prévu d’y faire à la fin de ce mois, nous saurons trouver les moyens de réaffirmer notre engagement mutuel.

+192 % : c’est le chiffre de l’augmentation des actes antisémites en France au premier semestre 2024, par rapport à celui de 2023. Les agressions antisémites représentent aujourd’hui 57% des agressions racistes dans notre pays, lorsque nos compatriotes juifs représentent moins de 1% de la population.

Ces chiffres vertigineux montrent l’emballement antisémite depuis le 7 octobre 2023. Comme le dit Delphine Horvilleur, « Le juif est recouvert par l’Israélien, et il est perçu de façon univoque comme le Blanc dominateur et colonialiste ». Nous aurions tort de balayer cette essentialisation coupable d’un revers de main. Car ce sont chez les plus jeunes que se manifestent les signes les plus inquiétants de cette forme renouvelée d’antisémitisme (vous pourrez lire l’édifiante édition 2024 de la radiographie de l’antisémitisme publiée par la Fondapol)

Cela représente donc aussi une source d’espoir, car nous pouvons par l’éducation et la dialogue interculturel venir collectivement à bout des théories complotistes et du fanatisme islamiste qui empoisonnent les esprits.

La jeunesse veut la paix, nous voulons la paix.

Les Nancéiens depuis longtemps, ont fait des choix. Largement hostiles à la politique antisémite de Pétain et Laval, leurs préoccupations furent le terreau fertile des actions de solidarité, de protection et de sauvetage des juifs à Nancy, notamment celles des 12 Justes parmi les Nations que compte notre ville. C’est de cet héritage que nous nous réclamons, en nous appliquant à continuer de faire de Nancy cette ville hospitalière et protectrice pour toutes et tous, singulièrement pour celles et ceux qui se sentent en danger.

Libérer les otages retenus par le Hamas, cesser le feu, garantir le droit humanitaire international, reprendre le chemin de la paix.

Ce chemin interrompu en 1995 à Tel-Aviv, sous les balles d’un jeune fanatique israélien qui ôtait la vie à Yitzhak Rabin. Quelques instants avant d’être assassiné, il disait « La violence, il faut la dénoncer, il faut la vomir, il faut l’isoler. Ce n’est pas la voie des démocraties. » Je crois plus impérieux que jamais de rappeler cette injonction salutaire.

Et si la paix ne peut être que le terme d’un processus, sa perspective, celle de deux États Israël et la Palestine ne peut, ne doit jamais être abandonnée, comme l’ont encore rappelé avant hier l’ancien premier ministre israélien Ehud Olmert et l’ancien ministre palestinien des affaires étrangères Nasser Al-Qidwa.

Nul n’est condamné de vivre dans un monde dans lequel plus de 200 000 Israéliens sont réfugiés de l’intérieur et près de 2 millions de Gazaouis sans abri.

Depuis le 7 octobre 2023, notre émotion et notre colère n’ont pas faibli, notre soif d’universalité, de paix et de justice a grandi.

Comme autant de conditions de notre commune et égale dignité humaine.